Trente longues années d'impunité et d'imposture ! Trente longues années de haine que certains ont encore du mal à contenir et ne ratent aucune opportunité de l'exprimer. Trente longues années de dénis des 4 années lumières, avec leurs insuffisances et leurs dérives. Trop d'eau a coulé sous les ponts. Trop d'encre a noirci des pages de journaux et de livres.
Mais qu'on le veuille ou pas, Sankara demeure ce mythe inoxydable que rien ni personne ne pourra effacer. Ce trentième anniversaire intervient dans un contexte sociopolitique particulier au Burkina Faso. Et ses disciples ou ceux qui se revendiquent de son héritage politique ont décidé d'ériger un mémorial pour lui rendre hommage. En une journée, plus d'un milliard de francs CFA a été mobilisé pour ce projet qui devrait naître sur les lieux où il a été assassiné, c'est-à-dire au siège du Conseil de l'Entente à Ouagadougou. Preuve, une fois de plus que ceux qui ont tué Sankara n'ont fait que lui ôter la vie. Ses idées, sa vision et surtout sa gouvernance de l'Etat traversent le temps. Comme bien de ces héros africains, morts pour ne pas gêner le pillage organisé des ressources du continent et sa mise sous coupe réglé par les anciennes puissances colonisatrices et leurs alliés, le mythe Sankara est désormais plus porté par des jeunes qui ne l'ont pas connu et qui ont découvert son œuvre et épousé sa vision et ses convictions de la possibilité d'une Afrique libre, digne et prospère. Aujourd'hui plus que jamais, l'invite de Thomas Sankara à oser inventer l'avenir demeure pour l'Afrique l'unique option. Ce n'est pas en dormant sur la natte des autres (pour paraphraser le Professeur Joseph Ki-Zerbo) à travers des politiques de développement imposées des institutions de Breton woods en tendant la sébile pour quémander l'aumône des puissants que l'Afrique va trouver son salut. L'Afrique doit réinventer sa gouvernance, son économie et renégocier sa place dans le monde.
En somme, au-delà des slogans politico-publicitaires inopérants sur le sankarisme, la réhabilitation de l'idéal du Président Sankara exige de tous ceux qui se revendiquent de son héritage politique, une volonté de changer soi-même et autour de soi, de changer son rapport au bien public et à l'intérêt général, mais un engagement à défendre par tous les moyens, y compris de sa vie, l'honneur et la dignité de la patrie. Le Burkina Faso, aujourd'hui plus que jamais, a besoin d'autres Sankara, de vrais leaders éclairés et déterminés à relever le défi de la restauration de l'autorité et de la crédibilité de l'Etat, à promouvoir les forces et les capacités endogènes de changements et de progrès, en s'inspirant bien entendu des apports du monde globalisant. Il faut retrouver le sens de l'honneur, de la patrie.
L'histoire a déjà réhabilité Thomas Sankara. Pas besoin d'attendre « la grande histoire » comme d'autres. Malgré tous les efforts qui ont été déployés pour souiller son image, l'image de Sankara ne fait que rayonner d'année en année. On ne tue pas les hommes dont les idées traversent le temps !